vendredi 25 avril 2014

Le citoyen et ses peurs du vandalisme

Écrit le 1er décembre 2013

Il est souvent difficile, pour nous autonomistes, pour nous anarchistes ou communistes conséquents, d'exprimer notre hantise du citoyen. Cette belle figure politique, on la célèbre tant parmi une certaine gauche honorable qu'il devient impossible de la critiquer. On devient alors un « radical » - une sorte de lugubre penseur qui aurait perdu tout repère face au réel.

Pour QS au Québec, pour le Parti de gauche en France, pour tous les parlementaires gauchistes, la stratégie de la décennie, c'est en effet l'initiative citoyenne. C'est même, disait Mélenchon aux dernières élections, la «révolution citoyenne » : autrement dit la révolution dans la légalité, dans le parlementarisme, et finalement dans le capitalisme. C'est la révolution qui veut « changer les choses », mais qui ne veut surtout pas transformer la vie et le quotidien. C'est la révolution qui veut toujours consommer. Qui veut toujours sa petite propriété. Et ses policiers pour la défendre.

Comme citoyen, on veut certes faire la révolution, mais on veut toujours conserver nos bons restos avec leur tables d'hôtes à 25 piasses; et par là même, on veut toujours sauvegarder nos petites vies bourgeoises et nos salaires de prof ou de jeunes professionnels à 50 000 dollars par année. Comme citoyen, on aime critiquer le grand capitalisme dans ses outrances les plus grossières, mais on aime aussi sans l'avouer aux autres - et sans même se l'avouer - le capitalisme pour lui-même. On aime ses divertissements, son régime de vie, sa mode vestimentaire reproductible, ses statuts et ses hiérarchies qui nous favorisent, ses raffinements qui nous distinguent. On aime ses hypothèques et ses paiements de char. Et surtout, surtout, on aime pas ces « radicaux » qui viennent mettre à mal cette forme de vie capitaliste qu'on épouse avec tant de générosité.

Si bien que le citoyen le plus méprisable, celui qui empeste la gauche parlementaire, on le reconnaît toujours à sa propension, presque naturelle, à se faire flic : à appeler au flicage. Pour sauver sa p'tite de vie de merde, son bon resto avec ses tables d'hôtes à 25 piasses, il va toujours faire appel à la police, à la police des citoyens. Il va toujours faire appel à l'ordre homogène contre les éléments hétérogènes qui le gênent dans les mouvements de sa petite vie bourgeoise.

Ainsi nos citoyens d'Hochelag qui, rassemblés dans l'antre du milieu communautaire - le Chic Resto Pop, ont aujourd'hui appelé, par l'entremise de leur député, à la répression politique, à la résolution du conflit par le flicage : « Mme Poirier estime que pour qu'un pareil exercice de réflexion soit réellement profitable, il faut qu'une enquête policière soit menée en parallèle pour épingler le ou les responsables du vandalisme. ».

Le voilà, donc, le problème du citoyen, le voilà dans sa nudité la plus révélatrice : c'est qu'il est toujours un flic en puissance - un défenseur de la paix autoritaire, de la misérable paix capitaliste. C'est qu'au nom de sa « peur » bourgeoise, de « l'inclusion » et du simulacre vivre ensemble - où « chacun peut trouver sa place » sous l'empire du capital, il appellera sans cesse au déploiement des milices policières pour conjurer les troubles de la colère. De telle sorte qu'une fois la société policée - qu'une fois sa peur évanouie dans le réconfort de la présence policière, il puisse, dans le raffinement de son restaurant distingué, étaler les remords les plus insignifiants de sa mauvaise conscience en bavardant, une soirée durant, sur la misère qui accable le monde.

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