dimanche 26 janvier 2014

L'embourgeoisement comme normalisation

Nous critiquons l’embourgeoisement d’Hochelaga, sa transformation à la faveur d’une nouvelle bourgeoisie, et à la défaveur de son menu peuple historique qui, enfermé longtemps dans ses taudis, s’y voit peu à peu expulsé, et même rejeté vers d’autres quartiers, vers d’autres taudis. Vers St-Michel, vers Montréal-Nord, vers Rivière-des-Prairies. 

Mais quand nous critiquons cet embourgeoisement, nous savons à raison que la petite bourgeoisie, qui s’impose impérieuse sur le quartier qu’elle évitait jadis, n’est pas la grande bourgeoisie : elle n’est pas celle qui se réfugie et s’isole dans les hauteurs de la ville, à Westmount ou à Outremont. Elle est plus petite et moins grossière, plus effacée et moins majestueuse, plus floue et moins saisissable. 

Et par moment, quand on la regarde de près, dans les reflets sociologiques de la statistique, on en vient à se demander si cette petite bourgeoisie est seulement bourgeoise : si elle n’est pas autre chose, aussi. Quelque chose qui aurait plutôt à voir avec le normal et l’homogène, avec la disposition à épouser parfaitement les dispositifs de la société capitaliste : avec la disposition à être universitaire ou jeune professionnel. À être en couple. À être de fiables locataires, puis éventuellement d’honorables propriétaires. À être de bons citoyens et de fidèles électeurs. À être légal dans tous les aspects de sa vie. Bref, à vivre selon une forme de vie parfaitement normalisée, neutralisée, presque morte. 

Si bien que nous puissions comprendre l’embourgeoisement comme phénomène de normalisation. Comme effacement de tous les écarts, de toutes les petites délinquances qui nous permettent de vivre au-delà des dispositifs serrés de la société homogène.

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