mardi 7 avril 2015

Critique du Manifeste pour un élan global

Écrit sur facebook le 7 avril 2015

Les voilà les merveilleux résistant-es qui abattront le pouvoir et ses diaboliques projets pétroliers. Et les voilà tels qu'ils et elles sont : pour la plupart absent-es des luttes qui ont cours sur le terrain concret de la grève et de la rue, mais trop content-es de nous pondre une belle lettre dont toutes les réflexions sont si attendues qu'il m'eût été possible de les anticiper à la phrase près.

Tout y est : toute la sauce tient en un seul bloc aussi prévisible que les discours de leurs prétendu-es ennemi-es. Ils et elles sont objecteurs et objectrices de conscience. Ils et elles sont citoyens et citoyennes qui font poids de leur renommée en nommant leur célébrité en fin de lettre. Ils et elles sifflent le vieux refrain du pacifisme idéologique. Ils et elles radotent la vieille chanson usée du développement durable.

Et toujours ce même nationalisme rampant qui se fonde sur des mythologies modernes d'un autre temps : « Le Québec a fondé sa modernité sur des valeurs fondamentales, dont l’énergie propre et le partage des richesses. C’est ce que nous sommes. C’est ce que nous voulons être. » Ou encore : « Nos révolutions sont tranquilles, mais ce sont de vraies révolutions. Elles peuvent inspirer le monde entier ».

Mais de quel partage il est question ici ? Du partage fantasmé de la social-démocratie qui n'a été possible qu'en vertu des trente glorieuses et des ravages de la guerre mondiale qui les a précédé ? Bref, de ce partage d'hypocrites qui a été le propre de presque tout l'occident capitaliste, et qui n'a jamais su endiguer le flot de révoltes des années 60 et 70 (en Italie, en France, en l'Allemagne, ou ailleurs, là où la même social-démocratie avait cours) ?

Et de quelle révolution il est vraiment question ? De cette révolution qui a élevé le québécois au titre d'occidental privilégié ? De cette révolution qui nous a procuré les lettres de noblesse de la domination blanche occidentale ? De cette révolution qui a pavé d'autoroutes le Québec et saccagé les forêts qui trônent au sommet du pays ?

La douloureuse vérité - celle qui ne s'enveloppe pas de l’orgueil nationaliste - c'est que nous ne pouvons nous vanter d'être une inspiration. Notre révolution n'a été tranquille qu'en vertu d’un leurre : tranquille (ou dit tranquille) parce qu'elle n'a jamais été une révolution. Parce qu'elle n'a jamais été que l'accueil du Québec dans la modernité capitaliste. Parce qu'elle n'a jamais été que la consécration du Québec comme membre à part entière de l'occident triomphant.

Toute réelle révolution alimentera des conflits turbulents et arrachera le Québec à sa quiétude de surface. À tel point que nous ne devons point enseigner quoi ce soit au monde entier, mais plutôt apprendre des luttes qui ont déjà eu cours ailleurs. Les vraies luttes québécoises dans les années 60 ou 70 n’ont jamais été tranquilles. Les vraies luttes d’aujourd’hui ne le sont pas non plus. Et je conseillerais une seule chose à la brochette de starlettes qui ont signé ce manifeste dans le confort douillet de leurs privilèges : commencez donc par prendre parti, de la manière la plus concrète qui soit, pour les étudiant-es qui revendiquent déjà la fin des projets pétroliers et qui se font défoncer la gueule soir après soir par les soldats du pouvoir. Le combat commence là et nulle part ailleurs.



Le manifeste pour un élan global : http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/436476/manifeste-pour-un-elan-global


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