Elles et eux savent que cette démocratie qui a substitué la Représentation au Roi, l’aristocratie élective à la monarchie divine, l'Homme de la biopolitique au sujet du souverain, et qui aspire au salariat intégral - où toutes et tous doivent travailler sans exception, elles et eux savent, dis-je, qu'elle est implacable contre ses ennemis; elles et eux connaissent son goût prononcé pour la répression ; elles et eux reçoivent en pleine gueule la physique de son pouvoir. Et seuls elles et eux finissent par choisir l'anonymat comme tactique de lutte incontournable pour survivre au-delà de ses frontières. Pour s’effacer de sa surface de visibilité. Pour disparaître de ses radars. Pour échapper du mieux qu’ils le peuvent aux dispositifs de son capitalisme - de son capitalisme total et impérieux.
Mais l’anonymat n’est jamais, faut-il souvent le rappeler, qu’une question tactique : il est aussi une affirmation du Commun, et de la nécessité de se fondre en lui - de disparaître, comme Homme ou Individu, dans les exigences de l’égalité ; et par là même, il est avant tout révolte contre la Reconnaissance – contre cette reconnaissance capitaliste d’une individualité spectrale qui se glisse peu à peu en nous à mesure que nous nous effaçons derrière le maillage serré des dispositifs, et qui nous dérobe à la puissance la plus dangereuse, la plus nuisible à l’hégémonie capitaliste : celle que nous redécouvrons à chaque fois que nous abandonnons notre individualité fantomatique à la faveur du Commun - où toutes et tous forment une communauté d'égaux.
En sorte que l’anonymat le plus banal est déjà manifestation d’une forme de vie hétérogène au capitalisme – d’une forme de vie qui déclare la guerre à l’Homme du capitalisme, à ses prédicats, à ses figures fictionnelles : à l’individu réalisé, au sujet rationnel, au citoyen politique. Et que jamais l’acte révolutionnaire véritable ne pourra ignorer cette puissance de l’anonymat – et du Commun-iste vers lequel il nous conduit.
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